Une proposition de la Maire de Paris
Parmi les nombreuses suggestions qui circulent en vue d’un déconfinement progressif éventuel est revenue l’idée d’un certificat d’immunité remis à toute personne positive par suite d’un dépistage sérologique de masse, démontrant ainsi la présence d’anticorps dans son organisme. En particulier, la ville de Paris a fait des propositions dans ce sens, le mercredi 8 avril 2020.
Aucun commentaire lié à la nature des anticorps, ni à la durée et à l’efficacité de l’immunité, ni aux souches du virus. Aucune compétence. Concentrons-nous seulement sur l’aspect pratique au point de vue des statistiques en lien avec la note mise en ligne le 7 avril, que je complète ici.
La proposition de la Maire de Paris prévoit de s’appuyer sur un test fiable. Il faut savoir, de l’avis d’experts, qu’un test n’est fiable qu’à 5 / 10%. Donc un test fiable, c’est 95% d’exactitude. Retenons ce chiffre pour le raisonnement.
La Maire de Paris fait la proposition de tester tous les Parisiens. En ne retenant que Paris intra-muros, cela représente 2 millions de personnes à tester (en ordre de grandeur et pour faire simple). Si, en revanche, on parle du Grand Paris, il s’agirait de tester 7 millions de personnes. Mais restons sur la ville de Paris.
Quelle proportion de la population a été infectée, donc est susceptible de réagir positivement au test ? On ne le sait pas et c’est un peu ce qu’on cherche. Cependant, des échantillonnages semblent indiquer qu’au plus 15% de la population a rencontré le virus dans les régions les plus exposées de France et d’Europe dont Paris fait partie. Donc, pour le bénéfice du raisonnement, on va considérer que 15% de la population a eu le Covid-19.
Et maintenant, passons au calcul
La population de Paris se divise en 15% de gens contaminés et 85% qui ne l’ont pas été. En testant tout le monde avec un test fiable à 95% (c’est notre hypothèse), on trouve en ordre de grandeur : 2.000.000 x 0,15 x 0,95 = 285.000 tests positifs parmi les 2.000.000 x 0,15 = 300.000 Parisiens qui ont eu le virus. On ratera 15.000 Parisiens qui ont eu le virus mais sont passés à travers les mailles du filet, qu’on appelle les faux-négatifs.
D’autre part, on trouvera 2.000.000 x 0,85 x 0,05 = 85.000 faux-positifs, soit des gens qui n’ont pas attrapé le virus mais ont réagi au test. Au total, nous aurons trouvé 285.000 + 85.000 = 370.000 personnes positives auxquelles sera remis un certificat d’immunité dont 77% seront réellement immunisées en ne courront aucun danger (sous réserve de la fiabilité de l’immunité du point de vue médical) et 23% seront élargies par erreur et courront un danger en se promenant dans la rue. Enfin, 15.000 personnes qui auraient pu sortir seront toujours confinées à tort.
Le cœur du problème, ce sont les 85.000 faux-positifs car ils seront libres comme l’air dans la capitale, à la merci du virus sournois qui ne manquera pas de les rencontrer tôt ou tard. C’est là qu’intervient en effet le fameux Ro, ce taux de base de reproduction qui caractérise la capacité du virus à se transmettre. L’Imperial College de Londres l’a estimé à 2,6 pour le Covid-19 et l’OMS légèrement plus bas. Mais des études récentes réévaluent le Ro et le situent plus haut entre 4 et 9. Ce n’est pas une querelle d’experts. Si la viralité est plus forte, il faudra plus de personnes immunisées pour protéger celles qui ne le sont pas, ce qui allongera fortement la phase dite de déconfinement. Avec 85.000 faux-positifs en vadrouille munis d’un laissez-passer, ce qui revient à les avoir déconfinés trop tôt, pour un taux de contagiosité de 3, je cite Olivier Sibony, Professeur de stratégie à HEC Paris : « si l’on revient au rythme de propagation naturel de l’épidémie, et même s’il ne reste que 10 cas en France, le système explose dans un mois. »
Pour les détails, je renvoie à la note postée sur LinkedIn par le Professeur Sibony : Le déconfinement n’aura pas lieu. Brillante analyse. Âmes sensibles, s’abstenir. Ce qui est annoncé, n’est pas destiné à voir la vie en rose mais à prendre la mesure de la réalité devant nous.
Une impasse parisienne
Pour revenir au permis d’immunité, la conclusion s’impose d’elle-même. L’idée avancée par la Maire de Paris va se heurter à la réalité des faits. En termes diplomatiques, disons qu’elle sera difficile à mettre en œuvre. Ce ne serait donc que par magie qu’elle fonctionnerait ■
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