Sur le terrain, les pieds dans la glaise, gardons à l’esprit que changer repose sur les femmes et sur les hommes de bonne volonté. Sans elles, sans eux, aucune démarche ne pourra jamais aboutir. En revanche, lorsque les parties prenantes auront été convaincues, elles feront le reste. Aussi le seul et unique défi est-il en définitive de les persuader du bien-fondé, de faire en sorte qu’elles adhèrent.
Là encore, embarquer tous les collaborateurs, les fournisseurs, les clients et les collectivités… cela peut vous paraître une montagne insurmontable à franchir. Certains peuvent être tentés de passer en force. On rencontre parfois de ces funestes managers sans vision qui, dépassés et pris de panique ou gagnés par l’hubris, préfèrent faire table rase de l’obstacle et foncent comme des bulldozers. Ils font le choix d’imposer, de contraindre, de sanctionner jusqu’à l’absurde, plutôt que d’écouter, de composer et de reformuler en faisant plutôt le pari de la confiance et de la raison. Quand bien même leurs intentions seraient louables (ce qui est loin d’être évident), par la forme ce ne serait plus une démarche éthique de RSE ; mais bel et bien l’avènement d’un management par la domination, l’asservissement et la terreur.
Rendre le contexte favorable au changement
Heureusement, vous n’êtes pas de cette mauvaise bière, c’est évident ! Vous n’imaginez pas passer en force. Vous voulez rassembler et emporter l’adhésion. Alors, pas de panique ! La solution ne sera pas dans la démesure. Elle ne consistera pas à convoquer une conférence de presse à l’heure de grande écoute pour mobiliser les foules. On ne vous demandera pas de jouer les Gandhi.
En fait, la solution est probablement sous votre nez ou peut-être juste à côté de vous, près de la machine à café. Il suffit de promouvoir les bonnes valeurs auprès de quelques collaborateurs sélectionnés avec soin. Choisissez ceux qui ont le plus d’influence, ceux qui sont dévoués à votre cause, ceux qui sont populaires. Convainquez-les d’évangéliser et vous aurez déjà fait une bonne partie du travail.
Si vous ne l’avez pas déjà lu, déposez vite au pied du sapin le livre de John Kotter, Professeur à la Harvard Business School, expert du leadership et du changement : Alerte sur la banquise ! Réussir le changement dans n’importe quelle condition.
À travers la fable du manchot Fred qui a compris avant tout le monde qu’il était urgent de réagir, Pr. John Kotter énonce les huit phases de la conduite du changement :
Ces huit étapes s’appuient sur trois « trucs » pratiques à mettre en œuvre :
- Repérer les différentes personnalités au sein de l’organisation (l’entreprise, la division, l’atelier, l’équipe, etc.),
- Communiquer des messages en jouant sur le côté émotionnel (cf. le nudge),
- Travailler les aspects comportementaux qui aboutiront ensuite à une modification d’attitude du personnel.
Miser sur l'effet « Boule de neige »
Une fois que les bons plis auront été pris, ce sera parti.
Prenons l’exemple de Corine, 34 ans, assistante RH. Cette chère Corine est une fouineuse notoire. Depuis que vous l’avez impliquée dans la démarche zéro déchet que vous avez entamée, elle en parle autour d’elle et cogite les économies à la clé. C’est vrai que les fins de mois sont un peu dures. Les soucis financiers s’accumulent. Elle n’est qu’en 4/5ème pour mieux pouvoir s’occuper de ses enfants. En rentrant chez elle un soir, Corine fait quelques recherches. Prise d’intérêt, elle concrétise un projet personnel. Elle coupe une banane qu’elle mélange soigneusement avec du yaourt blanc avant de l’étaler généreusement sur son visage. Résultat parfait ! S’en est fini du soin habituel de marque prestigieuse qui contenait on-ne-sait-trop-quoi dont des ingrédients suspects d’être d’inquiétants perturbateurs endocriniens. Le produit coûtait un bras ! Il était présenté dans un tube en plastique non recyclable, lui-même sous blister. Au surplus, s’en est donc fini du suremballage.
Toute fière, Corine parlera demain de sa démarche aux autres mamans de l’école et le prochain week-end elle s’en ouvrira à quelques voisines, lesquelles entameront à leur tour ce petit pas pour les femmes mais ce grand pas pour l’humanité vers la réduction de leurs déchets cosmétiques.
Vous voyez ? Il suffit de convaincre une personne pour en toucher plusieurs autres par effet boule de neige. Si vous arrivez à répéter l’exercice, à le transformer en processus récurrent, alors l’effet prendra de l’ampleur. Il se propagera. Une action locale limitée, c’est encore ce que légitime le concept de quasi-décomposabilité, par exemple dans cet article de la Harvard Business Review : Pour changer le monde, visez petit.
En définitive, comment changer ?
Tout simplement en restant factuel et simple. Il vaut mieux commencer petit comme nous venons de le voir pour mieux valoriser ce qui est déjà fait ou en train de se faire. La force de persuasion fera le reste dans un processus d’adhésion et d’intégration. Si a contrario les personnes que vous souhaitez entraîner ont le sentiment que vous leur donnez des ordres paternalistes d’en haut ou que vous tentez de les influencer, ce sera peine perdue ! Donc, soyez subtil et modeste, mais surtout, surtout, soyez sincère.
Ne faites aucune distinction entre les actions réalisées au sein de l’organisation et celles qui touchent la vie personnelle de vos collègues. Intégrez toujours le changement à votre excellence citoyenne, qu’il soit perçu comme un progrès avec des valeurs d’humanité, une plus grande bienveillance, davantage d’écoute et de respect.
La politique du changement ne s’arrête pas aux murs de votre établissement ou de votre société. Ses vertus sont universelles. Il faut y travailler. Ainsi se construit la réputation de votre organisation, en même temps que l’excellence citoyenne de demain.
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